

Coopérative les Chèvres de la Touvière
une belle histoire... qui s'est terminée en décembre 2024
En 2015 nous avons mis en place une chèvrerie et une fromagerie biologique à Genève en mettant au coeur de nos préoccupations le respect du vivant, des chèvres, des sols et des humains qui y travaillent. Nous avons créé une filière laitière complète, de l’élevage à la transformation du lait et la vente de fromage ainsi que la vente de viande de cabri. Plus de 300’000 fromages de chèvre et de brebis ont été distribués sur les marchés, à des restaurants, sur abonnements, pour le plus grand plaisir de nos clients. Organisé en collectif, ce projet a donné un accès à la terre à des chevrières, salariées et bénévoles, pour la grande majorité des femmes. Une exception dans un monde agricole encore dominé par les hommes.
Mais année après année nous avons dû faire face à des défis énormes. Les épreuves que nous avons rencontrées nous ont poussé à innover. Notre dernier projet visait notamment à développer l'agroforesterie pour répondre au changement climatique. Or, malgré les efforts consentis il s'est avéré impossible d'atteindre des salaires minimaux d'employées agricoles, déjà ridiculement bas à Genève (17.87 CHF/h brut sans qualification) et donc de vivre décemment de cette activité exigeante.
Ceci est dû à plusieurs facteurs, sur lesquels nous n'avons pas de prise. L’agriculture en général et l’élevage laitier en particulier engendrent une grande charge de travail associée à une précarité financière. S'installer en tant que nouvelle exploitation agricole est un parcours du combattant, étant donnée que la politique agricole favorise l'accroissement des exploitations plutôt que l'installation et la diversité des productions et des structures. La Coopérative les Chèvres de la Touviere a voulu rendre possible une agriculture collective, avec des emplois à temps partiel, basée sur les revenus des ventes des produits à prix fort grâce à la vente directe - mais les freins et les charges étaient trop importantes: Devant l'interdiction du partage matériel d'une entreprise agricole ancrée dans la Loi sur le droit foncier et rural (LDFR), elle s'est vu refuser le statut d'une entreprise agricole et de ce fait l'accès à des aides et le droit de louer des terrains supplémentaires afin d'améliorer sa situation sur le long terme. Ne disposant d'aucun logement agricole compris dans le bail, les chevrières se voyaient contraintes à payer des loyers genevois. Un équilibre financier était difficile à atteindre dans ces conditions, malgré le fait que la vente de produit a été exemplaire.
Durant ces années, nous avons bénéficié de nombreux soutiens citoyens et d'une forte reconnaissance. L’engouement pour le projet des chèvres témoigne du besoin réel de la population genevoise de renforcer le lien entre alimentation et agriculture. Des milliers de visiteurs, enfants et adultes, ont découvert notre métier et ont parfois vu des chèvres pour la première fois.
Quitter nos chèvres (qui ont toutes pu être replacées vivantes chez des particuliers et dans des fermes), nos collègues, nos clients, nos partenaires nous déchire le coeur. Mais après neuf ans nous arrivons à la conclusion que les enjeux structurels à la pérennisation de la Coopérative s’avèrent trop importants et qu’il ne nous est plus possible de poursuivre cette aventure. Notre projet vient dorénavant allonger la liste des exploitations agricoles qui stoppent leurs activités en Suisse chaque année.
Heureusement, nos collègues des autres fermes continuent à se battre pour offrir une alimentation locale et de qualité. Parmi eux, le Domaine de la Touvière, indépendant de notre coopérative, qui continue son activité.
Nous espérons que notre témoignage contribuera au sursaut nécessaire pour développer et consolider une agriculture paysanne de proximité et durable, à Genève et ailleurs.
Les Chevrières
Pour plus d’informations : chevre@touviere.ch